L’imposition aux détaillants en ligne de prix de revente fixes ou minimaux par les fabricants affectent directement les consommateurs et constitue une pratique illégale au regard des règles de concurrence européenne. Par une décision du 24 juillet 2018, la Commission a infligé des amendes qui s’élèvent à plus de 111 millions d’euros, à quatre fabricants de produits d’électronique grand public tels que des ordinateurs portables, des appareils de haute fidélité et du matériel de cuisine ou d’usage quotidien. Les entreprises en cause (Asus, Denon & Marantz, Philips, Pioneer) ont restreint la capacité des détaillants à fixer leurs propres prix par des menaces de sanction telle la cessation des approvisionnements. Ces restrictions sont de nature à influencer sensiblement le niveau général des prix des produits en cause, dans la mesure où les détaillants en ligne recourent à des algorithmes de fixation des prix qui adaptent les prix de détail aux prix de leurs concurrents. De plus, les fabricants ont pu surveiller efficacement la fixation des prix de revente par des moyens sophistiqués qui leur ont permis d’intervenir rapidement auprès des détaillants. Ainsi les entreprises en cause ont pu tantôt exiger que les prix soient revus à la hausse, mettre en place un système de prix imposés, tantôt restreindre la capacité de procéder à des ventes transfrontalières auprès de consommateurs des Etats membres de l’Union, pour maintenir des prix de revente différents selon les divers Etats membres, en bloquant les commandes des revendeurs.

Ces pratiques ont eu un effet immédiat sur les consommateurs. En effet, le marché du commerce en ligne en Europe s’élève à plus de 500 milliards d’euros chaque année, et plus de la moitié des Européens effectuent leurs achats en ligne.

Sous l’angle procédural, il y a lieu de formuler deux observations. Premièrement, la coopération des auteurs de pratiques anticoncurrentielles avec la Commission permet d’obtenir un adoucissement de la sanction. En l’espèce, en reconnaissant les faits et les infractions aux règles de concurrence, les entreprises mises en cause ont obtenu des réductions importantes du montant des amendes de 40 % à 50%. Deuxièmement, les victimes de pratiques anticoncurrentielles qui ont été affectés notamment par une hausse injustifiée des prix peuvent introduire une action en dommages et intérêts contre l’entreprise ou la personne physique sanctionnée, devant les juridictions nationales compétentes. Selon le droit français, elles peuvent agir individuellement à la suite d’une procédure de sanction devant les autorités de concurrence ou indépendamment d’une telle procédure. Depuis la loi du 14 mars 2014 relative à la consommation, elles peuvent aussi introduire une action de groupe. En Europe, ces actions en demande de réparation sont peu fréquentes. Aussi la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 harmonise le cadre juridique de ces actions. Une ordonnance du 9 mars 2017 transpose ce texte dans le droit français. En particulier, elle aménage les règles de preuve de façon favorable aux victimes en créant des présomptions de preuve du fait générateur de la responsabilité du défendeur à l’action en dommages et intérêts mais aussi du préjudice.

27 juillet 2018  | Jean-Yves de Cara