La liberté d’établissement permet aux sociétés établies dans les différents Etats membres de l’Union européenne de développer leur activité par des implantations transfrontalières.

 

Toutefois, en l’absence de texte relatif à la reconnaissance des sociétés, il y a renvoi aux droits nationaux qui retiennent deux critères de rattachement : le siège statutaire ou le siège réel. Il est revenu à la jurisprudence de préciser les modalités de la mise en œuvre de cette liberté.

 

La Cour de justice a rappelé « qu’une société créée en vertu d’un ordre juridique national n’a d’existence qu’à travers la législation nationale qui en détermine la constitution et le fonctionnement » (1988 Daily Mail, 2002 Überseering), mais elle a affirmé le principe du libre transfert du siège social, sans que la société perde « la personnalité juridique dont elle jouit dans l’ordre juridique de l’Etat membre de constitution et, le cas échéant les modalités de ce transfert sont déterminées par la législation nationale conformément à laquelle ladite société a été constituée ». L’exercice de la liberté d’établissement dépend ainsi du droit de l’Etat de rattachement.

 

L’Etat peut imposer à une société constituée selon son droit national « des restrictions au déplacement du siège effectif de celle-ci hors de son territoire pour que cette société puisse conserver la personnalité juridique dont elle bénéficie en vertu du droit de ce même Etat membre ». Cependant, en 2008, dans son arrêt Cartesio, la Cour a introduit une distinction. Le transfert du siège d’une société « constituée selon le droit d’un Etat membre dans un autre Etat membre sans changement du droit dont elle relève doit être distingué de celui relatif au déplacement d’une société relevant d’un Etat membre vers un autre Etat membre avec changement du droit national applicable, la société se transformant en une forme de société relevant du droit national de l’Etat membre dans lequel elle se déplace ».

 

Le transfert sans changement de loi applicable se réalise seulement par le déplacement du siège effectif ou de l’administration centrale. Tel était le cas dans les affaires précédentes. Néanmoins, dans l’affaire Cartesio, l’évolution tenait au transfert avec changement de lien de rattachement. Si la société s’établit dans un autre Etat membre, la loi d’origine ne s’applique plus. La Cour jugeait alors que cette faculté de choisir le lien de rattachement ne pouvait justifier que l’Etat membre de constitution, en imposant la dissolution et la liquidation de cette société, « empêche celle-ci de se transformer en une société de droit national de l’autre Etat membre ».

 

Par un important arrêt de la Grande Chambre du 25 octobre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que, la liberté d’établissement est aussi applicable au transfert du siège statutaire d’une société constituée en vertu du droit d’un Etat membre vers le territoire d’un autre Etat membre, aux fins de sa transformation, en conformité avec les conditions imposées par la législation de cet autre Etat membre, en une société relavant du droit de ce dernier, sans déplacement du siège réel de ladite société. La Cour a précisé que dans cette hypothèse le Traité s’oppose à une réglementation d’un Etat qui subordonnerait le transfert du siège statutaire de la société en cause à la liquidation de cette dernière.

 

Etait en cause le transfert du siège social d’une société de droit polonais (Polbud) au Luxembourg. Ni le siège de la direction, ni le lieu de l’exercice effectif de l’activité n’était modifié. Cette société nouvellement dénommée Consoil Geotechnik était soumise au droit luxembourgeois sans perdre sa personnalité juridique. L’affaire s’est nouée lorsque la demande de radiation du registre du commerce polonais a été rejetée par l’autorité compétente.

 

La Cour de justice a jugé que la liberté d’établissement confère à Polbud, société de droit polonais, le droit de se transformer en une société de droit luxembourgeois pour autant qu’il est satisfait aux conditions de constitution définies par la législation luxembourgeoise et, en particulier, au critère retenu par le Luxembourg aux fins du rattachement d’une société à son ordre juridique national. Elle a écarté l’argument tenant à l’absence d’activité économique dans l’Etat membre d’accueil ; elle a rejeté l’objection selon laquelle le transfert du siège statutaire d’une société devrait nécessairement s’accompagner du transfert de son siège réel pour relever de la liberté d’établissement. Toutefois, selon le droit polonais, bien que la société en cause puisse transférer son siège statutaire dans un autre Etat membre sans perdre sa personnalité juridique, une telle société qui souhaite procéder à ce transfert, ne peut obtenir sa radiation du registre du commerce qu’à condition d’avoir procédé à sa liquidation. Or, pour la Cour, une telle exigence « est de nature à gêner, voire à empêcher, la transformation transfrontalière d’une société. Elle constitue donc une restriction à la liberté d’établissement »

 


26 décembre 2017  |  Jean-Yves de Cara 

La liberté d’établissement permet aux sociétés établies dans les différents Etats membres de l’Union européenne de développer leur activité par des implantations transfrontalières.

 

Toutefois, en l’absence de texte relatif à la reconnaissance des sociétés, il y a renvoi aux droits nationaux qui retiennent deux critères de rattachement : le siège statutaire ou le siège réel. Il est revenu à la jurisprudence de préciser les modalités de la mise en œuvre de cette liberté.

 

La Cour de justice a rappelé « qu’une société créée en vertu d’un ordre juridique national n’a d’existence qu’à travers la législation nationale qui en détermine la constitution et le fonctionnement » (1988 Daily Mail, 2002 Überseering), mais elle a affirmé le principe du libre transfert du siège social, sans que la société perde « la personnalité juridique dont elle jouit dans l’ordre juridique de l’Etat membre de constitution et, le cas échéant les modalités de ce transfert sont déterminées par la législation nationale conformément à laquelle ladite société a été constituée ». L’exercice de la liberté d’établissement dépend ainsi du droit de l’Etat de rattachement.

 

L’Etat peut imposer à une société constituée selon son droit national « des restrictions au déplacement du siège effectif de celle-ci hors de son territoire pour que cette société puisse conserver la personnalité juridique dont elle bénéficie en vertu du droit de ce même Etat membre ». Cependant, en 2008, dans son arrêt Cartesio, la Cour a introduit une distinction. Le transfert du siège d’une société « constituée selon le droit d’un Etat membre dans un autre Etat membre sans changement du droit dont elle relève doit être distingué de celui relatif au déplacement d’une société relevant d’un Etat membre vers un autre Etat membre avec changement du droit national applicable, la société se transformant en une forme de société relevant du droit national de l’Etat membre dans lequel elle se déplace ».

 

Le transfert sans changement de loi applicable se réalise seulement par le déplacement du siège effectif ou de l’administration centrale. Tel était le cas dans les affaires précédentes. Néanmoins, dans l’affaire Cartesio, l’évolution tenait au transfert avec changement de lien de rattachement. Si la société s’établit dans un autre Etat membre, la loi d’origine ne s’applique plus. La Cour jugeait alors que cette faculté de choisir le lien de rattachement ne pouvait justifier que l’Etat membre de constitution, en imposant la dissolution et la liquidation de cette société, « empêche celle-ci de se transformer en une société de droit national de l’autre Etat membre ».

 

Par un important arrêt de la Grande Chambre du 25 octobre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que, la liberté d’établissement est aussi applicable au transfert du siège statutaire d’une société constituée en vertu du droit d’un Etat membre vers le territoire d’un autre Etat membre, aux fins de sa transformation, en conformité avec les conditions imposées par la législation de cet autre Etat membre, en une société relavant du droit de ce dernier, sans déplacement du siège réel de ladite société. La Cour a précisé que dans cette hypothèse le Traité s’oppose à une réglementation d’un Etat qui subordonnerait le transfert du siège statutaire de la société en cause à la liquidation de cette dernière.

 

Etait en cause le transfert du siège social d’une société de droit polonais (Polbud) au Luxembourg. Ni le siège de la direction, ni le lieu de l’exercice effectif de l’activité n’était modifié. Cette société nouvellement dénommée Consoil Geotechnik était soumise au droit luxembourgeois sans perdre sa personnalité juridique. L’affaire s’est nouée lorsque la demande de radiation du registre du commerce polonais a été rejetée par l’autorité compétente.

 

La Cour de justice a jugé que la liberté d’établissement confère à Polbud, société de droit polonais, le droit de se transformer en une société de droit luxembourgeois pour autant qu’il est satisfait aux conditions de constitution définies par la législation luxembourgeoise et, en particulier, au critère retenu par le Luxembourg aux fins du rattachement d’une société à son ordre juridique national. Elle a écarté l’argument tenant à l’absence d’activité économique dans l’Etat membre d’accueil ; elle a rejeté l’objection selon laquelle le transfert du siège statutaire d’une société devrait nécessairement s’accompagner du transfert de son siège réel pour relever de la liberté d’établissement. Toutefois, selon le droit polonais, bien que la société en cause puisse transférer son siège statutaire dans un autre Etat membre sans perdre sa personnalité juridique, une telle société qui souhaite procéder à ce transfert, ne peut obtenir sa radiation du registre du commerce qu’à condition d’avoir procédé à sa liquidation. Or, pour la Cour, une telle exigence « est de nature à gêner, voire à empêcher, la transformation transfrontalière d’une société. Elle constitue donc une restriction à la liberté d’établissement ».


26 décembre 2017  |  Jean-Yves de Cara