Dans le cadre des mesures adoptées par le gouvernement pour contrer la propagation du virus COVID-19 le Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a annoncé la fermeture des juridictions à partir du lundi 16 mars 2020, sauf pour les « contentieux essentiels« .

Une circulaire n°CRIM-2020-10/E1-13.03.2020 du Ministère de la Justice du 14 mars 2020 (ci-après la « Circulaire« ) avait déjà précisé les plans de continuation d’activité relatifs aux juridictions pénales et civiles.

Des débats sont actuellement en cours devant le Sénat pour l’adoption du projet de loi simple et organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19, présenté par le gouvernement le mercredi 18 mars 2020. Parmi les mesures envisagées, certaines visent à adapter l’organisation du contentieux civil, pénal et administratif à cette période de crise sanitaire.

La réduction de l’activité judiciaire en matière civile

1/Le maintien de l’activité des juridictions civiles réservé aux affaires urgentes

En cette période, seules les audiences suivantes seront maintenues :

  • Les procédures de référé et du traitement d’autres contentieux urgents (ex. en cas d’immeubles menaçant ruine, éviction du conjoint violent) ;
  • La protection des personnes vulnérables (par exemple le traitement des demandes de tutelle et curatelle visant à protéger la santé de l’intéressé, ou encore en matière de contentieux des étrangers).

2/Le recours à la visioconférence

Devant les juridictions civiles et commerciales il sera également possible d’avoir recours à un système de télécommunication audiovisuelle, permettant de tenir une audience dans plusieurs salles reliées entre elles. Les parties à la procédure doivent toutefois consentir expressément à ce mécanisme.

3/La prorogation des délais de procédure

Le juge civil est habilité, en toute circonstance, à prolonger les délais de procédure fixés judiciairement et renvoyer l’affaire à date ultérieure, en donnant avis aux parties à la procédure par tout moyen.

Afin de pallier les inconvénients liés à l’interruption actuelle des services des greffes et des juridictions, le projet de loi simple d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 préconise d’adapter les délais applicables aux dépôts et aux traitements des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives et devant toute instance judiciaire.

Il prévoit également de suspendre, interrompre ou reporter « les délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ».

Ces mesures seront prises par ordonnance du gouvernement, après adoption du projet de loi.

Dans l’attente de l’adoption du projet de loi, il est conseillé – sauf indication contraire de la juridiction – de poursuivre les diligences ordinaires pour les contentieux en cours, dans les délais légalement prévus afin de :

  • former des recours ;
  • produire des écritures ;
  • interjeter appel et former des pourvois.

A défaut de ces diligences, les actions engagées tardivement en raison de l’épidémie pourraient être considérées comme prescrites, forcloses ou irrecevables.

Les mesures adoptées par les juridictions administratives

Les juridictions administratives ont elles aussi adopté des mesures extraordinaires de lutte contre la propagation du COVID-19. A cet égard, le Conseil d’Etat, dans son communiqué officiel du 15 mars 2020, a précisé que toutes les séances de jugement sont annulées à l’exception des référés. La présence de personnes aux audiences de référé sera limitée :

  • La présence physique des requérants n’est pas obligatoire (la procédure étant écrite) ;
  • L’accès du public sera très restreint ;
  • Les requêtes des personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, devront être déposées via le site internet (www.telerecours.fr) par fax au 01 40 20 80 08 ou par courrier : Conseil d’État, Bureau du greffe, 1 place du Palais-Royal, 75100 Paris cedex 01.

Une carte interactive a en outre été mise à disposition afin de connaître les mesures prises par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel concernant le COVID-19.

La réduction de l’activité judiciaire en matière pénale

1/ Le maintien des audiences correctionnelles dans le cadre de contentieux essentiels

Les audiences correctionnelles suivantes seront maintenues même en cette période de crise sanitaire :

  • les audiences correctionnelles pour les mesures de détention provisoire et de contrôle judiciaire ;
  • les audiences de comparution immédiate ;
  • les présentations devant le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention ;
  • les audiences du juge de l’application des peines pour la gestion des urgences ;
  • les audiences du tribunal pour enfants et du juge des enfants pour la gestion des urgences, notamment pour l’assistance éducative ;
  • les permanences du Parquet ;
  • les audiences de la chambre de l’instruction pour la détention ;
  • les audiences de la chambre des appels correctionnels et de la Chambre d’applications des peines pour la gestion des urgences.

Pour toutes les autres affaires, il convient de prendre contact avec les services de la juridiction concernée afin de connaître l’éventuel report de l’audience.

2/Les limitations dans la mise en mouvement de l’action publique

Les Procureurs de la République sont invités à adapter l’exercice de l’action publique aux circonstances actuelles, et notamment à :

  • Privilégier les modes de poursuites sans présentation de l’intéressé et à échéances longues ;
  • Limiter les déferrements au strict minimum.

3/ Les limitations relatives aux mesures de garde à vue et aux mesures de détention

Pendant cette période d’épidémie, les mesures de garde à vue seront réservées en priorité aux enquêtes de flagrance qui nécessitent une réponse judiciaire rapide ou aux enquêtes ouvertes pour des faits qui causent un trouble important à l’ordre public.

Toute personne suspecte faisant l’objet d’une mesure de garde à vue dans ce contexte conservera le droit d’être examiné par un médecin, conformément à l’article 63-3 du code de procédure pénale. Si, à la suite de cette visite médicale, il apparaît que la personne suspecte présente les symptômes du COVID-19, la garde à vue devra être levée dans les meilleurs délais.

Le recours à la visioconférence est désormais possible dans le cadre de la prolongation de la garde à vue, sur initiative du Procureur de la République.

La circulaire traite également de certaines limitations relatives au contrôle judiciaire et à la détention provisoire.

4/ La publicité des audiences

La tenue des audiences à huit clos sera désormais la règle, afin de limiter toute promiscuité dans les salles d’audience et réduire ainsi le risque de contamination au COVID-19. Qu’il soit devant le tribunal de police, le tribunal correctionnel, la cour d’assise – et même devant le JLD – le huis clos pourra être accordé par la juridiction, sur réquisitions du Procureur.

20 mars 2020  | Eleonora Perrotta