Depuis l’Ordonnance du 6 juin 2005, transposant la Directive européenne du 17 novembre 2003, la liberté d’accès aux documents administratifs et le droit de réutilisation des informations publiques ont été renforcés en France. La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 est allée significativement plus loin en imposant à l’Etat, aux collectivités territoriales ainsi qu’aux personnes de droit public ou privé chargées d’une mission de service public l’ouverture de leurs données (sont concernés les documents administratifs tels que les rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, circulaires, notes, correspondances, avis, décisions etc). Cette nouvelle obligation d’ « Open data » est désormais encadrée par les dispositions des articles L.311-1-1 et suivant du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

A l’approche de l’échéance fixée pour la mise en œuvre de l’ouverture des données, le 1er octobre 2018, l’association de collectivités « Opendata France », en partenariat avec la Caisse des Dépôts, a présenté le 21 mars 2018 un premier bilan d’application de la loi dans le cadre du lancement de « l’Observatoire Open data des territoires ».

Si le projet s’adresse en premier lieu aux collectivités publiques et acteurs privés susceptibles de les accompagner, il devrait permettre d’apporter un éclairage concret sur l’avancement du processus à l’échelle du territoire.

Open data : une mise en œuvre inégale

A compter du 1er octobre 2018, l’ouverture des données deviendra une exigence pour près de 4 411 collectivités locales dépassant le seuil légal de 3 500 habitants et de 50 agents.

L’Observatoire souligne que les collectivités se sont investies de manières inégales dans le mouvement actuel d’ouverture et de diffusion des informations. Dès 2010, une vague des collectivités pionnières s’est engagées dans la démarche « Open data », une seconde vague d’acteurs, plus nombreux et moins expérimentés, s’apprête à lui succéder.

Parmi les précurseurs, les régions, départements, métropoles et agglomérations de taille importante disposant de moyens techniques, humains et organisationnels facilitant la création de projets structurés.

Les difficultés pratiques n’expliquent cependant pas entièrement le retard pris par les collectivités de tailles réduites et certaines zones du territoire. En effet, la mouvance « Open data » est porteuse d’une dimension culturelle, elle promeut notamment un modèle de société ouverte reposant nécessairement sur la modernisation de l’action publique. L’inertie de certaines collectivités révèle une compréhension et appropriation insuffisantes du sujet.

La bonne application future de la loi sera donc subordonnée à un important travail de sensibilisation et d’accompagnement des collectivités, notamment au regard d’exigences juridiques telle que la protection des données personnelles des administrés ou, à compter du 1eroctobre 2018, la publication appropriée des données relatives aux marchés public.

L’enjeu de la réutilisation des données

L’accès universel à l’information est un gage de transparence de la vie politique et facilite la participation des administrés à la démocratie mais l’Open data a également vocation à dynamiser une économie ouverte. La réutilisation des données publiques permet en effet l’émergence d’initiatives privées, susceptibles de créer de nouveaux services monétisables ou d’enrichir le service public, par exemple par le biais d’applications numériques gratuites.

Afin de favoriser l’accès aux données, la mission ministérielle « Etalab » développe et anime la plateforme d’Open data www.data.gouv.fr destinée à rassembler et à diffuser librement l’ensemble des informations publiques disponibles.

La nature des données coïncide avec les domaines de compétences des collectivités (budget, délibérations, actes civils, analyses sociodémographiques, description des espaces publics et naturels, équipements, services urbains, ressources locales, etc.) et les informations en découlant concernent principalement les domaines de l’aménagement du territoire, de l’administration locale ou encore de la culture, du sport et des loisirs.

Malgré cette mise à disposition, l’Observatoire constate que certains facteurs pénalisent encore la réutilisation des données, parmi lesquels l’absence de généralisation des jeux de données, l’hétérogénéité des formats et l’absence de référentiels communs d’un territoire à un autre.

Par ailleurs, l’Observatoire précise qu’à ce stade, les bénéfices économiques résultant de l’Open data sont relativement restreints puisque la réutilisation des données bénéficie principalement à des projets d’envergure locale et/ou relevant de l’économique sociale et solidaire.

Complexe et inattendu par certains aspects, le passionnant chantier des infrastructures numériques publiques n’en est qu’à ses balbutiements. Il devrait mobiliser, ces prochaines années, de nombreux acteurs publics et privés au service d’un projet global de société.

30 mars 2018  | Julia Estrade