Maxime de Guillenchmidt, associé, était l’invité d’Arnaud Dumourier sur le plateau de Lex Inside dans l’émission du 8 mars 2022 sur le thème : « Dispositif Anti-Cadeaux et Dispositif Anti-corruption, même combat ? ».

Regarder l’intégralité de l’intervention de Maxime ici.

Principaux points de l’intervention :

  • Les deux régimes, loi anti-cadeaux et loi Sapin 2 sont-ils les mêmes ?

Les deux régimes ont un principe commun : on ne peut pas offrir à un employé public ou privé un avantage personnel pour qu’il prenne une décision engageant l’entité dans laquelle il exerce.

Dans le cadre de l’anti-corruption, il s’agit de tous les secteurs, en France et à l’étranger.

Le dispositif anti-cadeaux est spécifique au secteur de la santé, cela ne vise que les professionnels de santé français (médecins, pharmaciens, sage-femmes, étudiants des professions de santé, ou encore les influenceurs) qui ne peuvent pas recevoir d’avantages de la part de fabricants de produits qu’ils utilisent, prescrivent ou conseillent aux patients et clients. Cela couvre les médicaments mais aussi les dispositifs médicaux, les produits à base d’huiles essentielles, etc.

  • Quel est le régime le plus sévère ?

Le régime anti-cadeaux est plus contraignant et plus précis. Il n’est par exemple possible d’offrir des cadeaux symboliques qu’à l’unique condition qu’ils soient en rapport avec la profession de santé de celui qui les reçoit. On peut offrir des stylos, des livres, des échantillons par exemple. Mais exit la bouteille de champagne, la boîte de chocolats ou l’invitation au match de foot ce qui n’est en revanche pas considéré comme de la corruption dans les autres secteurs. L’agence française anticorruption le rappelle dans son guide sur les cadeaux d’affaires.

Même lorsque les avantages sont en lien avec une profession de santé, les arrêtés d’août 2020 ont fixé des plafonds pour les petits avantages : par exemple, 30 euros maximum pour un repas ou un ouvrage, 20 euros par an pour les fournitures de bureau, les échantillons, le matériel.

Puis pour les activités de recherche, de conseil, les congrès, ils doivent être déclarés dans un contrat transmis au conseil de l’ordre et autorisés a priori s’ils dépassent certains montants comme par exemple 150 euros pour les nuits d’hôtels.

Enfin, il y a une grande transparence autour de cela : chaque avantage de plus de 10 euros doit être déclaré sur une base publique, la base transparence, consultable par tout le monde.

De son côté, le régime anti-corruption ne fixe pas de montant et on recherche si le cadeau est vraiment tel qu’il va faire prendre une décision à la personne qui le reçoit, décision qu’elle n’aurait peut-être pas prise sans ce cadeau.

En revanche, la loi Sapin 2 a instauré un système de prévention beaucoup plus complet que dans le domaine de la santé : elle impose aux plus grandes entreprises d’avoir une véritable politique de lutte contre la corruption, avec des cartographies des risques, code de bonne conduite, formations régulières, dispositifs d’alerte, etc.

Ce sont donc deux approches différentes : un régime très contraignant interdisant – à l’excès diront certains – beaucoup d’interactions entre professionnels de santé et fabricants là où le système anti-corruption s’atèle plutôt à la prévention et aux process internes.

  • Au fond, puisque le régime anti-cadeaux est plus contraignant, un labo peut donc s’abstenir de mettre en place un plan anticorruption, qui peut le plus peut le moins ?

Non pour deux raisons. La première est que la mise en place d’un plan anticorruption est obligatoire pour les grandes entreprises. Les entreprises sont sanctionnées par l’AFA si elles ne l’ont pas mis en place, même si aucun acte de corruption n’est constaté.

La seconde raison tient au champ d’application : le régime anti-cadeaux ne couvrira pas les relations avec des professionnels de santé étrangers, et pourtant, si l’on paie le médecin d’un hôpital étranger pour qu’il prescrive des médicaments, cela peut entret dans le champ de la corruption. Et ce régime ne couvre que les produits de santé. Prenons l’exemple d’un grand groupe pharmaceutique. Le responsable des achats automobiles peut se faire corrompre pour choisir une marque plutôt qu’une autre, un responsable foncier peut payer un maire pour avoir un permis de construire pour la nouvelle usine de fabrication de médicaments, sans violer la loi anti-cadeaux. En revanche, ce sont des actes de corruption.

Alors pour faire cohabiter ces deux régimes, on peut avoir intérêt à mutualiser les actions de formation pour éviter toute confusion : dans le cas contraire, on peut dire un jour que ce n’est pas de la corruption d’envoyer des chocolats à une assistante que l’on a régulièrement au téléphone et le lendemain que c’est strictement interdit de le faire s’il s’agit de l’assistante d’un médecin.