L’Assemblée Nationale a définitivement approuvé mercredi 10 octobre le texte définitif du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, après avis favorable de la Commission mixte paritaire.  Le Projet de loi adopté la semaine dernière comporte des innovations importantes en matière de détection et répression des délits de fraude fiscale.

Parmi les dispositions phares de cette réforme, on retrouve la levée partielle du « verrou » de Bercy. Ce dernier est un mécanisme qui soumet l’engagement de poursuites pénales pour fraude fiscale (prévue à l’article 1741 du code général des impôts) à une plainte préalable provenant de l’administration fiscale. Tel qu’envisagé par le texte du projet de loi adopté, les dépôts de plainte pour fraude fiscale seront automatiquement transmis au procureur de la République dans les cas où le montant de la fraude est supérieur à 100 000 €. L’administration fiscale, sur avis préalable de la Commissions des infractions fiscales demeure en revanche seule compétente pour déclencher des poursuites pénales en matière de fraude à l’impôt direct, ou en matière de fraude à la TVA. Le « verrou » de Bercy continuera en outre de s’appliquer dans toutes les affaires de fraude fiscale portant sur un montant inférieur au seuil précité de 100 000 €.

D’autres mesures visant le renforcement des moyens de sanction sont visées par le projet de loi en matière de fraude fiscale, notamment :

  • L’aggravation de la répression pénale : le montant de l’amende applicable dans les cas de fraude fiscale sera porté au double du produit tiré de l’infraction. Pour rappel, à l’heure actuelle, l’article 1741 du code général des impôts fixe le montant maximum de l’amende à 500 000 € et à 3 000 000 € en cas de commission de fraude fiscale aggravée.
  • L’application du principe « naming and shaming » : il est prévu que les décisions prononcées en matière de fraude fiscale soient en principe rendues publiques, sauf décision spécialement motivée en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
  • L’extension de la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) aux cas de fraude fiscale : ce dispositif prévu à l’article 41-1-2 du code de procédure pénale a été introduit par la loi n°2016-1691 dite « Sapin II » du 9 décembre 2016 et consiste en la possibilité offerte aux personnes morales d’éviter un procès pour des faits de corruption en contrepartie, entre autres, du versement d’une amende négociée avec le Parquet National Financier (PNF) sans reconnaissance de culpabilité ni effet de jugement de condamnation. Le projet de loi élargit l’application de la CJIP aux cas de fraude fiscale.
  • La possibilité de recourir à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (ci-après « CRPC ») : dans un souci de rapidité et efficacité de la réponse pénale, le projet de loi prévoit de modifier l’article 495-16 du code de procédure pénale et permettre de telle sorte de recourir à la CRCP en présence du délit de fraude fiscale.

Il est probable que le texte soit déféré au Conseil constitutionnel et que certaines de ses dispositions ne passent pas le filtre du contrôle de conformité à la Constitution. Il faut donc attendre la décision pour disposer du texte définitif.

17 octobre 2018  | Maxime de Guillenchmidt & Eleonora Perrotta