Le 20 avril 2017, le Président François Hollande annonçait, par un communiqué officiel, que ses équipes déconnecteraient sa page Facebook pendant la période de réserve précédant le premier tour de l’élection présidentielle. Les dispositions du code électoral s’appliquent en effet aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et il convient d’assurer leur efficacité sur les réseaux sociaux en adoptant les comportements adéquats.

1. La communication politique sur les réseaux sociaux est soumise aux règles du code électoral

La loi n°2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique a inséré dans ledit code un article L.48-1 d’après lequel « les interdictions et restrictions prévues […] en matière de propagande électorale sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusé par tout moyen de communication au public par voie électronique. »

Le droit français ne reconnaît donc aucune spécificité aux réseaux sociaux, indifférenciés des moyens traditionnels de propagande tels que les tracts, les circulaires ou les affiches. Si cette approche globale de la communication politique peut paraître anachronique, tant le caractère massif et instantané des réseaux sociaux les distingue des médias traditionnels, elle présente néanmoins l’avantage indéniable de ne laisser aucun vide juridique en matière de propagande numérique.

2. La période de réserve doit également être respectée sur les réseaux sociaux

L’article L.49 du code électoral, applicable notamment aux élections législatives, dispose qu’à « partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. […] il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale. » La méconnaissance de ces dispositions est passible d’une amende de 3 750 euros.

En outre, l’article 11 de la loi n°77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion interdit, à compter du « samedi précédant le scrutin à zéro heure », la communication ou le commentaire de sondages, « par quelque moyen que ce soit ». L’article L.52-2 du code électoral interdit par ailleurs la communication au public, « par quelque moyen que ce soit », des résultats partiels ou définitifs d’une élection avant « la fermeture du dernier bureau de vote ». La violation de l’une ou l’autre de ces est sanctionnée par une amende de 75 000 euros. Ce montant est quintuplé pour les personnes morales, ce qui porte le montant de l’amende encourue à 375 000 euros (C. pénal, art. L. 131-38).

La période de réserve doit être respectée sur l’ensemble des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, etc) et par tous les internautes. Les candidats, militants, sympathisants ou journalistes ne sont en effet pas les seuls concernés. Toute personne doit également s’abstenir de tout acte de propagande politique ou de toute diffusion d’une information prohibée au cours de cette période.

Lors des précédentes élections législatives, les infractions aux règles électorales sur les réseaux sociaux ne fondaient qu’une infirme partie des 108 saisines du Conseil d’Etat aux fins de contestation du scrutin. Toutefois, l’essor des réseaux sociaux et leur caractère désormais incontournable dans la stratégie de communication des candidats aux élections augure une augmentation conséquente de ce contentieux.

3. Les comportements à adopter sur les réseaux sociaux au cours de la période de réserve

 Si le Conseil constitutionnel et la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale ont confirmé que tous les internautes devaient respecter la période de réserve, cette obligation ne concerne que leur expression publique, la correspondance privée n’étant pas concernée (art. L. 49 du code électoral et art. 2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Comme souvent en matière de réseaux sociaux, c’est donc la question du caractère privé ou public de la publication qu’il convient d’examiner.

La jurisprudence examine à cette fin le degré d’ouverture du profil ou de la page, le nombre d’abonnés, les restrictions d’accès, l’existence d’une communauté d’intérêts… En outre, le Conseil d’Etat est d’autant plus enclin à considérer que la publication sur les réseaux sociaux a altéré la sincérité du scrutin que l’écart de voix entre les candidats est faible. Il convient donc de s’astreindre strictement au respect de quelques règles fondamentales au cours de la période de réserve, afin d’éviter tout contentieux et tout risque de remise en cause des résultats de l’élection.

Sur Facebook : faire cesser toute interactivité

Solution retenue par le Président François Hollande, la déconnection de la page Facebook constitue une solution radicale et certainement la plus sûre. Il demeure néanmoins possible de maintenir l’accès à une page personnelle ou institutionnelle, en changeant les paramètres d’ouverture afin d’empêcher toute publication.

Sur Twitter : prohiber les tweets mais aussi les retweets

La période de réserve empêche toute publication de contenu inédit contrevenant aux dispositions du code électoral mais également toute publication d’un contenu plus ancien, par retweet. Ce dernier pourrait en effet être qualifié de nouvelle diffusion et méconnaîtrait ainsi les dispositions applicables en période de réserve.

Prévenir les risques de contentieux électoral et la remise en cause du résultat des élections

Quel que soit le réseau social concerné, le candidat peut prévenir l’apparition d’un contentieux électoral en sensibilisant les internautes au fait que les règles édictées par le code électoral s’appliquent à tous.

En guise d’illustration de la nécessité de cette démarche pédagogique, relevons que de simples « selfies » pris dans l’isoloir par les enfants d’un candidat et postés sur les réseaux sociaux accompagnés des commentaires « A voté ! ça…c’est fait !!!! » et « Dans la vie il faut savoir faire le bon choix… A voté !» ont été source de contentieux. Ce n’est qu’après avoir établi que ces publications n’avaient pas eu un écho significatif auprès des électeurs, que les commentaires n’étaient pas directement liés au débat électoral et qu’aucun afflux de votants n’avait été constaté après la publication, que le juge administratif a estimé que le résultat des élections ne pouvait être remis en cause (TA Strasbourg, 20 mai 2014, n° 1401578).

Les réseaux sociaux étant devenus un vecteur primordial de la communication politique, il incombe en premier chef aux candidats à la députation de respecter et de promouvoir le respect des règles d’usage spécifiques à la période électorale.


12 juin 2017  |  Matthieu Ragot | Publié aux Editions Législatives

Le 20 avril 2017, le Président François Hollande annonçait, par un communiqué officiel, que ses équipes déconnecteraient sa page Facebook pendant la période de réserve précédant le premier tour de l’élection présidentielle. Les dispositions du code électoral s’appliquent en effet aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et il convient d’assurer leur efficacité sur les réseaux sociaux en adoptant les comportements adéquats.

1. La communication politique sur les réseaux sociaux est soumise aux règles du code électoral

La loi n°2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique a inséré dans ledit code un article L.48-1 d’après lequel « les interdictions et restrictions prévues […] en matière de propagande électorale sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusé par tout moyen de communication au public par voie électronique. »

Le droit français ne reconnaît donc aucune spécificité aux réseaux sociaux, indifférenciés des moyens traditionnels de propagande tels que les tracts, les circulaires ou les affiches. Si cette approche globale de la communication politique peut paraître anachronique, tant le caractère massif et instantané des réseaux sociaux les distingue des médias traditionnels, elle présente néanmoins l’avantage indéniable de ne laisser aucun vide juridique en matière de propagande numérique.

2. La période de réserve doit également être respectée sur les réseaux sociaux

L’article L.49 du code électoral, applicable notamment aux élections législatives, dispose qu’à « partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. […] il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale. » La méconnaissance de ces dispositions est passible d’une amende de 3 750 euros.

En outre, l’article 11 de la loi n°77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion interdit, à compter du « samedi précédant le scrutin à zéro heure », la communication ou le commentaire de sondages, « par quelque moyen que ce soit ». L’article L.52-2 du code électoral interdit par ailleurs la communication au public, « par quelque moyen que ce soit », des résultats partiels ou définitifs d’une élection avant « la fermeture du dernier bureau de vote ». La violation de l’une ou l’autre de ces est sanctionnée par une amende de 75 000 euros. Ce montant est quintuplé pour les personnes morales, ce qui porte le montant de l’amende encourue à 375 000 euros (C. pénal, art. L. 131-38).

La période de réserve doit être respectée sur l’ensemble des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, etc) et par tous les internautes. Les candidats, militants, sympathisants ou journalistes ne sont en effet pas les seuls concernés. Toute personne doit également s’abstenir de tout acte de propagande politique ou de toute diffusion d’une information prohibée au cours de cette période.

Lors des précédentes élections législatives, les infractions aux règles électorales sur les réseaux sociaux ne fondaient qu’une infirme partie des 108 saisines du Conseil d’Etat aux fins de contestation du scrutin. Toutefois, l’essor des réseaux sociaux et leur caractère désormais incontournable dans la stratégie de communication des candidats aux élections augure une augmentation conséquente de ce contentieux.

3. Les comportements à adopter sur les réseaux sociaux au cours de la période de réserve

 Si le Conseil constitutionnel et la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale ont confirmé que tous les internautes devaient respecter la période de réserve, cette obligation ne concerne que leur expression publique, la correspondance privée n’étant pas concernée (art. L. 49 du code électoral et art. 2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Comme souvent en matière de réseaux sociaux, c’est donc la question du caractère privé ou public de la publication qu’il convient d’examiner.

La jurisprudence examine à cette fin le degré d’ouverture du profil ou de la page, le nombre d’abonnés, les restrictions d’accès, l’existence d’une communauté d’intérêts… En outre, le Conseil d’Etat est d’autant plus enclin à considérer que la publication sur les réseaux sociaux a altéré la sincérité du scrutin que l’écart de voix entre les candidats est faible. Il convient donc de s’astreindre strictement au respect de quelques règles fondamentales au cours de la période de réserve, afin d’éviter tout contentieux et tout risque de remise en cause des résultats de l’élection.

Sur Facebook : faire cesser toute interactivité

Solution retenue par le Président François Hollande, la déconnection de la page Facebook constitue une solution radicale et certainement la plus sûre. Il demeure néanmoins possible de maintenir l’accès à une page personnelle ou institutionnelle, en changeant les paramètres d’ouverture afin d’empêcher toute publication.

Sur Twitter : prohiber les tweets mais aussi les retweets

La période de réserve empêche toute publication de contenu inédit contrevenant aux dispositions du code électoral mais également toute publication d’un contenu plus ancien, par retweet. Ce dernier pourrait en effet être qualifié de nouvelle diffusion et méconnaîtrait ainsi les dispositions applicables en période de réserve.

Prévenir les risques de contentieux électoral et la remise en cause du résultat des élections

Quel que soit le réseau social concerné, le candidat peut prévenir l’apparition d’un contentieux électoral en sensibilisant les internautes au fait que les règles édictées par le code électoral s’appliquent à tous.

En guise d’illustration de la nécessité de cette démarche pédagogique, relevons que de simples « selfies » pris dans l’isoloir par les enfants d’un candidat et postés sur les réseaux sociaux accompagnés des commentaires « A voté ! ça…c’est fait !!!! » et « Dans la vie il faut savoir faire le bon choix… A voté !» ont été source de contentieux. Ce n’est qu’après avoir établi que ces publications n’avaient pas eu un écho significatif auprès des électeurs, que les commentaires n’étaient pas directement liés au débat électoral et qu’aucun afflux de votants n’avait été constaté après la publication, que le juge administratif a estimé que le résultat des élections ne pouvait être remis en cause (TA Strasbourg, 20 mai 2014, n° 1401578).

Les réseaux sociaux étant devenus un vecteur primordial de la communication politique, il incombe en premier chef aux candidats à la députation de respecter et de promouvoir le respect des règles d’usage spécifiques à la période électorale.


12 juin 2017  |  Matthieu Ragot | Publié aux Editions Législatives