A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole nº16 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales le 1er août 2018, la Cour européenne des droits de l’homme peut désormais être saisie d’une demande d’avis consultatif.

 

Par un arrêt nº638 (10-19.053) du 5 octobre 2018, la Cour de cassation a décidé pour la première fois de faire usage de cette possibilité en demandant à la Cour européenne des droits de l’homme quel était le statut de la « mère d’intention ».

 

Un couple de nationalité française avait eu recours à la gestation pour autrui[1] (« GPA ») en Californie, où il avait été édicté des actes d’état civil pour les deux enfants. Par une décision du 6 avril 2011, la Cour de cassation avait refusé la transcription des actes naissance établis à l’étranger au motif que toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui était nulle en vertu de l’article 16-7 du code civil et que l’acte étranger méconnaissait la conception française de l’ordre public international (1re Civ., 6 avril 2011, nº10-19.053 ; voir également 1re Civ., 13 septembre 2013, nº12-30.138). La Cour européenne des droits de l’homme avait alors condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée des enfants, consacré à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, 26 juin 2014, Mennesson c. France, n°65192/11 ; voir également : CEDH, 26 juin 2014, Labassee c. France, nº65941/11).

 

Le 15 mai 2017, les parents d’intention ont sollicité une demande de réexamen du pourvoi en cassation, qui a été favorablement accueillie.

 

Entretemps, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait tiré les conséquences de la jurisprudence européenne et fait évoluer sa position en considérant que l’existence d’une convention de gestation pour autrui ne faisait pas en soi obstacle à la transcription d’un acte de naissance établi à l’étranger (3 juillet 2015, nº14-21.323 et nº15-50.002). Cependant, et alors que la Cour de cassation reconnaissait le lien de filiation entre le père biologique et ses enfants au motif que le patrimoine génétique du père d’intention avait été utilisé, elle refusait la transcription de l’acte de naissance pour la mère d’intention (1re Civ., 5 juillet 2017, nº15-28.597, nº16-16.901 et nº16-50.025).

 

En l’espèce, la Cour de cassation interroge la Cour européenne des droits de l’homme sur l’étendue de la marge d’appréciation des Etats signataires. La demande d’avis porte sur les questions suivantes :

 

  • Premièrement, la question de savoir si, en refusant de transcrire l’acte de naissance sur les registres de l’état civil français s’agissant de la mère d’intention, alors que la transcription a été admise pour le père biologique de l’enfant, un Etat-partie méconnaît l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales à l’égard tant de la mère d’intention que des enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger. A cet égard, elle s’interroge sur le point de savoir s’il y a lieu de distinguer selon que l’enfant a été conçu ou non avec les gamètes de la mère d’intention.

 

  • Deuxièmement, la question de savoir si la possibilité pour la mère d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, père biologique, qui constitue une voie permettant d’établir la filiation à son égard, suffit à répondre aux exigences de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

 

 

[1] La GPA implique trois figures : le couple parental, désigné les parents d’intention”, la “mère de substitution” – ou “mère porteuse” – et l’enfant.

9 octobre 2018  | Rafaela Choairy