La GOU est un nouvel outil opérationnel destiné à coordonner, au niveau intercommunal, les moyens d’action nécessaires à la réalisation d’opérations urbaines d’aménagement de grande ampleur. Le législateur aspire, par ce dispositif, à dynamiser le développement local en facilitant la mise en œuvre d’opérations ambitieuses visant, par exemple, à augmenter la production de logements dans des secteurs tendus, à réhabiliter des quartiers dégradés ou des friches industrielles, ou encore à accueillir des activités et des équipements publics.

Ces opérations sont généralement lourdes, complexes et longues : elles peuvent par exemple nécessiter en amont des mesures d’expropriation, d’acquisition et/ou des remaniements fonciers. En raison de l’aléa financier inhérent à de telles entreprises, le secteur privé se montre généralement peu enclin à piloter des opérations de cette envergure. L’intervention des intercommunalités est donc impérative.

En instaurant la GOU, la Loi ELAN offre à ces collectivités – les structures intercommunales mentionnées à l’article L. 312-1 du code de l’urbanisme – un cadre inspiré de celui des OIN mais adapté aux contingences locales. La GOU constitue ainsi un échelon intermédiaire entre l’OIN et l’initiative individuelle locale.

 

Une action intercommunale plus efficace en matière d’aménagement

L’utilisation effective de la GOU par les structures intercommunales permettra d’apprécier concrètement la pertinence de ce dispositif. Il serait hasardeux d’évaluer dès à présent l’effet catalyseur de la GOU sur la réalisation des objectifs poursuivis par le législateur, et notamment sur la production de foncier constructible, laquelle ne dépend bien entendu pas que de facteurs juridiques. Il est néanmoins permis d’anticiper dès à présent un impact globalement bénéfique sur les marges de manœuvres dont disposeront les structures intercommunales dans le cadre de la mise en œuvre de projets d’aménagement complexes. Quelques exemples peuvent être mentionnés au soutien de cette conjecture.

La GOU présente d’abord l’avantage d’offrir un cadre normatif clair aux structures intercommunales concernées : elle réunit sous une section unique du code de l’urbanisme un certain nombre d’outils à la disposition de ces dernières. La règle de droit y gagne en intelligibilité et en efficacité, et son utilisation devrait s’en trouver facilitée.

En outre, en concentrant ces outils dans les mains de la structure intercommunale, la GOU devrait fluidifier l’action des intercommunalités et en améliorer la cohérence en matière d’opérations d’aménagement. La GOU permet par exemple d’unifier les compétences relatives à la délivrance de décisions d’urbanisme, à la maîtrise d’ouvrage d’équipements publics, à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme ou encore à la création de zones d’aménagement différé. Cette concentration de compétences devrait conférer aux structures intercommunales une force de frappe de nature à dynamiser les opérations d’aménagement. De leur côté, les communes participant à la GOU devront mesurer attentivement la portée de leurs engagements, dès lors qu’elles se trouveront dépossédées de certaines prérogatives.

Cette force de frappe est encore consolidée, notamment, par l’intégration dans la GOU du « permis de faire », introduit à titre expérimental par l’article 88 de la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016, qui substitue à une approche de stricte conformité aux règles de construction, une logique plus pragmatique de respect des objectifs qui sous-tendent ces règles.

En résumé, la GOU présente, à tout le moins dans son intention, l’avantage d’offrir un cadre normatif unique et cohérent, de fluidifier la prise de décision et de doter les structures intercommunales de moyens juridiques permettant de galvaniser leur intervention en matière d’aménagements urbains.

 

Les conditions de création de la GOU : zones d’incertitudes

Sans bien entendu prétendre à l’exhaustivité dans le cadre de ces développements, quelques obstacles peuvent être attendus à l’occasion de la création de GOU. Signalons-en deux à ce stade.

La définition de la GOU donnée par l’article L. 312-3 du code de l’urbanisme est rédigée de façon ouverte : il s’agit d’une opération qui, du fait de son ampleur, « requiert un engagement conjoint spécifique » de l’Etat et d’une collectivité. Il existe donc un seuil d’importance en-deçà duquel le recours à la GOU ne serait pas requis et, partant, serait illégal. Or, en raison des très forts enjeux qui sous-tendent la création d’une GOU ainsi que des effets notables que celle-ci peut induire, notamment sur les valeurs foncières, elle constituera une source contentieuse potentielle. Certains requérants ne manqueront pas, à cette occasion, de contester la satisfaction des conditions de création de la GOU. Il appartiendra alors à la jurisprudence d’apprécier et de préciser le seuil de recours à la GOU, afin d’injecter davantage de prévisibilité dans une notion dont les contours paraissent encore flous.

Une autre difficulté pourrait résider dans le rôle attribué aux communes dont le territoire se trouve dans le périmètre d’une GOU. Ce rôle, qui était simplement consultatif dans le projet de Loi, a été substantiellement accru à l’issu des débats au Sénat : la qualification de GOU nécessite désormais l’avis conforme de ces communes. En outre, celles-ci peuvent assortir leurs avis de prescriptions particulières et conditionner leur caractère favorable au respect de ces prescriptions.

Il aurait certes pu apparaître radical de priver les communes concernées de tout pouvoir décisionnaire en matière de GOU, alors que ce dispositif entraîne des transferts de compétences importants – bien que de son côté le Conseil d’Etat ne s’en soit pas ému dans son avis sur le projet de Loi du 23 mars 2018, en relevant que la GOU « […] répond à l’objectif d’intérêt général d’assurer l’aménagement cohérent d’une zone précisément délimitée ». Néanmoins, en conférant un tel pouvoir aux communes, le législateur leur offre des leviers de négociation puissants dans le cadre de qualification de GOU. Si cet effet n’est pas nécessairement néfaste en soi, la formulation par les communes concernées de prescriptions particulières, sans qu’aucun mécanisme d’arbitrage ne soit prévu, pourrait nuire à la cohérence d’ensemble de la GOU et faire naître des situations de blocage en cas de prescriptions émanant de communes différentes et qui seraient incompatibles entre elles. La GOU, outil d’harmonisation et de cohésion, serait alors dévoyé en dispositif d’aménagement « à la carte ».

3 février 2019  | Matthieu Ragot | Extrait de l’ouvrage Loi ELAN. Aménagement, urbanisme, construction et logement : ce qui change en pratique (Editions Législatives, janvier 2019)

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