L’épidémie du coronavirus s’est particulièrement intensifiée ces dernières semaines dans plusieurs régions du monde, et notamment en Europe. La France n’y fait pas exception.

Alors que les pouvoirs publics multiplient les mesures visant à ralentir la progression de l’épidémie (interdictions des réunions et manifestations rassemblant plus de 1000 personnes en espaces clos, confinements, réquisitions de matériel paramédical, fermetures d’établissements scolaires, recommandations des autorités sanitaires…), l’échéance des élections municipales approche à grands pas .

Face aux réactions de candidats allant parfois jusqu’à geler le déroulement de leur campagne, les médias ont fait l’écho d’une interrogation prégnante : les élections municipales qui doivent se tenir les 15 et 22 mars prochains feront-elles l’objet d’une report en raison du risque de propagation du virus ?

Si les membres du gouvernement interrogés ont clairement écarté l’idée d’un report, ils ont toutefois pris la mesure de l’inquiétude des français et du risque d’abstention accrue qui plane sur le scrutin.

En effet, selon un sondage Ifop, publié le 9 mars, à la question de savoir si les risques de transmission du coronavirus pouvaient les inciter à ne pas se rendre dans un bureau de vote, 28% des sondés ont répondu « oui », étant précisé que ces chiffres varient selon le lieu de résidence des personnes interrogées : il est de 36% dans l’agglomération parisienne (soit 8 points de plus que la moyenne nationale), alors qu’il est de 25% dans les communes rurales.

Le 7 mars, le président de l’Association des maires de France (AMF), François Baroin, avait expressément souligné la nécessité de « garantir des conditions sanitaires de protection », en proposant notamment de « réfléchir à une organisation type d’un bureau de vote avec la distance d’un mètre, un mètre cinquante, un marquage au sol, un temps de latence, une explication pédagogique, une plus grande souplesse, peut-être, de l’organisation des bureaux ».

Le même jour, le Premier Ministre adressait aux maires de France un courrier annonçant que, sur la demande de l’AMF, des recommandations seraient édictées par le ministère de l’Intérieur « relatives à l’organisation physique des bureaux de vote, de façon à ce que la gestion des files d’attente et flux au sein de chaque bureau de vote limite les situations de promiscuité prolongée. Les électeurs pourront également être invités à utiliser l’ensemble de la plage horaire d’ouverture des bureaux de vote, certaines tranches horaires étant traditionnellement marquées par une forte affluence ». A cet égard, le président de l’Association des petites villes de France (APVF), Christophe Bouillon, a lui-même souligné : « on sait qu’il y a des horaires où il y a beaucoup d’électeurs, comme à la sortie du match de foot ou de la messe, donc on en appelle au civisme des électeurs pour qu’ils étalent leur passage afin d’éviter le chaos ».

C’est dans ce contexte que le ministre de l’Intérieur a publié, le 9 mars 2020, deux circulaires visant à clarifier la situation et exposer les mesures mises en œuvre lors des opérations électorales « afin de limiter la propagation du virus et protéger les membres des bureaux de vote, les scrutateurs et les électeurs » :

  • La circulaire relative à l’organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d’épidémie de coronavirus COVID-19 (Nor :INTA2007053C) ;
  • La circulaire relative aux modalités d’exercice du droit de vote par procuration (Nor : INTA2006575J)

Les principales mesures mises en œuvre en vue du scrutin sont les suivantes :

Composition des bureaux de vote

La circulaire rappelle les dispositions du code électoral, et notamment que le bureau de vote doit a minima être constitué d’un président et de deux assesseurs, et d’au moins quatre assesseurs pour les opérations de dépouillement, tous étant désignés par les candidats.

Les assesseurs doivent être désignés au plus tard le jeudi 12 mars à 18 heures et les scrutateurs peuvent être désignés jusqu’à une heure avant le scrutin.

S’il manque des assesseurs, le maire devra en désigner pour compléter les bureaux de vote parmi les conseillers municipaux et les électeurs de leur commune.

S’il manque des scrutateurs lors du dépouillement, les membres du bureaux s’y substitueront.

Afin d’anticiper toute problématique liée au respect des exigences précitées, la circulaire invite les maires à se rapprocher dès à présent des candidats de la commune afin de recenser les assesseurs et scrutateurs susceptibles d’être présents .

Elle leur demande en outre d’identifier un vivier de conseillers municipaux surnuméraires ou d’électeurs volontaires qui seront désignés comme assesseurs supplémentaires et qui pourront venir en renfort des bureaux de vote en cas de nécessité.

Aménagement et nettoyage des bureaux de vote

La circulaire pose une obligation préalable : « Un point de lavage des mains ou à défaut du gel hydro-alcoolique doit être mis à disposition à l’entrée et à la sortie du bureau de vote, si possible en deux points distincts de manière à éviter le croisement des flux ».

La circulaire prévoit ensuite un aménagement du bureau de vote de nature à limiter les situations de promiscuité prolongée, avec notamment l’apposition d’un marquage au sol pour que soit maintenue entre chaque personne une distance suffisance, d’environ un mètre, à chaque étape du vote (entre l’entrée du bureau de vote et le contrôle d’identité, au niveau de la table de décharge, au niveau de l’isoloir et enfin au niveau de la table de vote).

Concernant les isoloirs, dont les rideaux peuvent être des surfaces propices à la transmission du virus, il est recommandé d’installer les isoloirs de manière à ce que les électeurs ne soient pas dans l’obligation de tirer les rideaux tout en garantissant le secret du vote (ce sera par exemple le cas en positionnement l’entrée de l’isoloir face à un mur).

Les bureaux de vote seront méticuleusement nettoyés avant et après chaque tour de scrutin, de préférence à l’eau de javel.

Les mesures et gestes « barrière » lors des opérations de vote

Seront apposées à l’entrée du bureau de vote l’affiche de Santé publique France et l’affiche sur les bons comportements à adopter dans le bureau de vote, annexées à la circulaire.

Il est recommandé aux membres du bureau de vote de se laver les mains ou des les désinfecter avec une solution hydro-alcoolique le plus régulièrement possible, de limiter la manipulation des titres d’identité et cartes électorales en privilégiant un contrôle visuel et d’éviter les contacts physiques.

Il est recommandé aux électeurs de se laver les mains ou de les désinfecter avant et après le vote, de conserver leur distance avec les autres électeurs dans les files d’attente et de limiter les contacts physiques.

La circulaire indique que le port du masque chirurgical n’est pas préconisé sans présence de symptômes.

Dans le cas où un électeur se présenterait avec un masque pour voter, la circulaire prévoit que si le masque n’empêche pas la vérification de son identité, l’électeur n’est pas tenu de l’enlever. Dans le cas inverse, les membres du bureau peuvent lui demander d’enlever momentanément son masque, faute de quoi l’électeur ne sera pas autorisé à voter.

Les électeurs peuvent apporter leur propre stylo afin d’émarger, à condition que l’encre soit bleue ou noire et indélébile. En aucun cas les assesseurs ne peuvent se substituer aux électeurs pour signer à leur place.

Dans les bureaux de vote équipés de machines à voter, il est recommandé de positionner des points de lavage des mains ou du gel hydro-alcoolique à proximité de la machine et de veiller à nettoyer très régulièrement (environ toutes les 30 minutes) les parties de la machine en contact avec les électeurs.

Gestion des files d’attente

Afin d’éviter les files d’attente, la circulaire préconise de demander aux électeurs, par voie de presse, d’éviter les pics d’affluence (ouverture du bureau de vote, fin de matinée, à partir de 16 heures).

La circulaire appelle particulièrement l’attention des maires sur la nécessité que les files d’attente soient organisées au mieux, afin de ne pas nuire à la régularité des opérations électorales en décourageant les électeurs d’exercer leur droit de vote, ce qui pourrait conduire à l’annulation du scrutin.

Dépouillement

Lors des opérations de dépouillement par les scrutateurs, le port des gants n’est pas recommandé mais il faut que les scrutateurs puissent se laver ou se désinfecter très régulièrement les mains.

En outre, le dépouillement étant public, il devra être demandé aux électeurs ou délégués des candidats souhaitant y assister de se tenir à une distance adaptée de la table de dépouillement et d’éviter la promiscuité entre eux.

Electeur présentant des signes d’infection respiratoire lors du vote

Le président du bureau de vote peut exiger la sortie de la salle de vote de tout électeur qui troublerait l’ordre ou le déroulement des opérations électorales, par exemple en suscitant des craintes liées au virus Covid-19.

Cette prérogative doit toutefois être exercée dans le respect du principe de proportionnalité, pour ne pas empêcher le libre exercice du droit de vote. Le président du bureau de vote ne peut donc pas empêcher un électeur visiblement malade de voter dès lors que celui-ci a pris toutes les mesures de protection qui s’imposent (lavage des mains, port du masque).

Dans le cas où un électeurs présente des signes manifestes d’infection respiratoire et ne porte pas de dispositif de protection, le président du bureau de vote le mettra à l’écart et contactera le Samu Centre 15.

Procuration

La circulaire relative aux modalités d’exercice du droit de vote par procuration prévoit des dispositions spécifiques relatives à la lutte contre la propagation du Covid-19.

En ce qui concerne les personnes malades, faisant l’objet de mesures de confinement ou de quarantaine, ou d’une prescription médicale, ainsi que leur entourage, elles peuvent demander à un officier ou à un agent de police judiciaire de se déplacer à leur domicile pour recueillir leur demande de procuration. Celui-ci devra alors s’équiper en conséquence (masque, solution hydro-alcoolique).

S’agissant des hébergements collectifs, qui font l’objet de mesures de confinement ou qui accueillent des personnes faisant l’objet d’une prescription médicale de maintien à domicile, il est recommandé la désignation de leur directeur, ou d’un agent désigné par l’officier de police judiciaire et le juge, afin de recevoir les demandes de procurations des personnes hébergées dans leur établissement.

Il en est de même dans les hébergements collectifs accueillant des personnes vulnérables, type Ehpad.

Le sens de la circulaire, face au risque épidémique et donc au risque d’abstention, est ainsi clairement de favoriser l’établissement de procurations pour les personnes confinées et les personnes vulnérables.

11 mars 2020  | Anne Bost |