Si le nombre de femmes élues augmente, leur pleine accession aux mandats électifs appelle encore quelques efforts.

Les élections législatives de 2017 ont permis à la France de passer du 58ème rang au 15ème rang du classement mondial relatif à la présence des femmes dans les parlements nationaux[1]. Cette progression – peut-être moins encourageante qu’elle n’y paraît – offre l’occasion de s’interroger sur l’effectivité des dispositions visant à instaurer la parité dans les élections.

Après avoir fait son entrée dans la Constitution en 1999, sous l’article 3, le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a été promu à l’article premier de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Néanmoins, au-delà de sa position symbolique dans le texte, la mise en œuvre effective du principe demeure lente, malgré des interventions législatives successives, notamment en 2000, 2013, et 2014. Le constat d’ensemble est clair : l’effectivité du principe de parité dépend directement du caractère contraignant des dispositions prévues pour en garantir le respect.

Les progrès réalisés

Scrutins de liste

Le principe de parité s’applique de façon relativement effective dans le cadre des scrutins de liste, dès lors que sa méconnaissance se traduit par un refus d’enregistrement de la liste électorale. Les déclarations de candidatures doivent en effet indiquer le sexe des candidats de la liste, laquelle ne doit pas comporter un écart entre le nombre de candidats de chaque sexe supérieur à un. La liste doit donc être composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.

Ainsi, en application de l’article L. 264 du code électoral, dans les communes de plus de 1000 habitants le pourcentage des femmes conseillères municipales s’établissait à 47,8% en 2016, contre 35% en 2008 et 21,7% en 1995. L’exigence de listes paritaires s’applique également aux élections des délégués, suppléants et adjoints des conseils municipaux[2]. Des dispositions analogues sont prévues pour les élections des conseillers communautaires chargés d’administrer les affaires de l’intercommunalité[3]. Il en résulte que, depuis 2014, les conseils communautaires sont composés à 34% de femmes.

S’agissant des conseils régionaux, les dispositions de l’article L. 346 du code électoral ont permis de rendre effectif le principe de parité. Alors que les conseils régionaux ne comptaient seulement que 27,5% de femmes en 1988, ce pourcentage est passé à 48% en 2010 et 47,9% en 2015. Ce progrès peut également être observé au niveau de la commission permanente des conseils régionaux[4]. A titre d’exemple, en 2017, la commission permanente d’Ile-de-France est composée de 32 femmes et de 35 hommes.

Scrutin binominal

Outre les scrutins de liste, le principe de parité s’impose de façon efficace dans le cadre du scrutin binominal, prévu à l’échelon départemental. Ce système prévoit en effet que « [l]es électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l’ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l’occasion de l’élection. »[5]. Le non-respect de cette exigence entraîne le rejet de la candidature du binôme[6]. Grâce à cette modalité de scrutin, la représentation des femmes dans les conseils départementaux est passée à 50% en 2015, alors qu’elle ne s’élevait qu’à 13,8% en 2011.

Pour significatives qu’elles soient, ces évolutions ne doivent toutefois pas occulter la mise en œuvre encore très insatisfaisante du principe de parité.

Les progrès à réaliser

Au niveau local

Il convient d’abord de souligner que si la parité progresse dans le cadre des scrutins de liste et du scrutin binominal, par le jeu de dispositions contraignantes, le respect de ce principe chute dramatiquement dès lors qu’il n’est pas imposé. Ainsi, aucune disposition ne garantit l’effectivité du principe de parité à la tête des différentes collectivités locales. Résultat : 84% des maires sont des hommes et 92,3% des conseils communautaires sont présidés par des hommes. Même constat pour 92 départements sur 101[7] et 15 régions françaises sur 18[8].

De la même façon, dans les communes de moins de 1000 habitants, qui ne sont pas soumises aux dispositions relatives à la parité, le pourcentage d’hommes dans les conseils municipaux atteint 65,1%[9].

Au niveau national

Le principe de parité peine également à s’imposer au Parlement, en raison d’un cadre normatif encore insuffisant.

Le Sénat fait figure de mauvais élève : en 2017, 100 femmes seulement ont été élues sénatrices, contre 95 précédemment. Leur présence au Sénat s’élève ainsi poussivement à 29%, contre 27% auparavant.[10]. Les règles du scrutin ne sont guère contraignantes : selon le nombre de sièges à pourvoir, les sénateurs et sénatrices sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours (circonscriptions désignant 1 ou 2 sénateurs ou sénatrices) ou au scrutin de liste à la représentation proportionnelle (circonscriptions désignant 3 sénateurs ou sénatrices ou plus). En cas de scrutin de liste, la loi impose une alternance de chaque sexe[11]. En revanche, en cas de scrutin majoritaire, l’article L. 299 du code électoral exige simplement que le candidat et son remplaçant soient de sexe différent. En pratique, les femmes ne se voient souvent attribuer que le statut de remplaçante.

L’Assemblée nationale n’est guère plus vertueuse. Bien que la loi prévoie des sanctions financières à destination des partis politiques qui ne respectent pas le principe de parité[12], ces derniers se montrent réticents à le mettre en œuvre. Ils optent souvent soit pour le paiement d’une amende peu dissuasive, soit pour une application subversive du principe, en investissant des femmes principalement dans des circonscriptions réputées acquises à un autre parti politique.

Il est vrai qu’en 2017, 224 femmes sont entrées l’Assemblée, ce qui représente 38,8% des élus, alors que les femmes ne représentaient que 26,86% des élus en 2012 et 18,54% en 2007. S’il faut y voir un progrès, il doit être tempéré, tant il est contingent d’un contexte politique particulier tenant à l’émergence d’une nouvelle formation politique. Le cadre législatif demeure, lui, inchangé et donc peu contraignant.

La mise en œuvre du principe de parité s’inscrit dans une dynamique encourageante. Sa pleine effectivité appelle toutefois encore des efforts, notamment d’ordre normatif. Par exemple, la représentativité passe également par la terminologie. A cet égard, si la récente circulaire du 21 novembre 2017 « relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française » proscrit l’usage de « l’écriture inclusive » dans les textes réglementaires et, plus généralement, dans les textes destinés à être publiés au Journal Officiel, le Premier ministre généralise néanmoins par ce même texte la féminisation systématique des intitulés de fonctions. De telles interventions – qui peuvent paraître anodines – contribuent à diffuser dans les esprits la réalité selon laquelle il existe non seulement des élus mais aussi des élues.

[1] http://archive.ipu.org/wmn-f/arc/classif010216.htm pour 2016 et http://archive.ipu.org/wmn-f/classif.htm pour 2017

[2] Article L. 289 du code électoral pour les élections des délégués et suppléants de conseils municipaux dans les communes de plus de 1000 habitants et article L. 2122-7-2 du Code général des collectivités territoriales pour les élections des adjointes dans les communes de plus de 1000 habitants.

[3] L. 273-9 du code électoral et L. 273-10 du code électoral

[4] L. 4133-5 du CGCT

[5] Article L. 191 du code électoral

[6] Article L. 210-1 du code électoral

[7] Statistiques du Haut conseil à l’égalité, pages 25 et 41

[8] Statistiques du Haut conseil à l’égalité, pages 36 et 45

[9] Synthèse chiffrée du Haut Conseil à l’égalité, page 5.

[10] Résultats des élections sénatoriales 2017

[11] L. 300 du code électoral

[12] Article 9-1 de la loi du 11 mars 1988, modifié par la loi du 4 août 2014


10 janvier 2018  | DGA | Publié aux Editions Législatives

Si le nombre de femmes élues augmente, leur pleine accession aux mandats électifs appelle encore quelques efforts.

Les élections législatives de 2017 ont permis à la France de passer du 58ème rang au 15ème rang du classement mondial relatif à la présence des femmes dans les parlements nationaux[1]. Cette progression – peut-être moins encourageante qu’elle n’y paraît – offre l’occasion de s’interroger sur l’effectivité des dispositions visant à instaurer la parité dans les élections.

Après avoir fait son entrée dans la Constitution en 1999, sous l’article 3, le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a été promu à l’article premier de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Néanmoins, au-delà de sa position symbolique dans le texte, la mise en œuvre effective du principe demeure lente, malgré des interventions législatives successives, notamment en 2000, 2013, et 2014. Le constat d’ensemble est clair : l’effectivité du principe de parité dépend directement du caractère contraignant des dispositions prévues pour en garantir le respect.

Les progrès réalisés

Scrutins de liste

Le principe de parité s’applique de façon relativement effective dans le cadre des scrutins de liste, dès lors que sa méconnaissance se traduit par un refus d’enregistrement de la liste électorale. Les déclarations de candidatures doivent en effet indiquer le sexe des candidats de la liste, laquelle ne doit pas comporter un écart entre le nombre de candidats de chaque sexe supérieur à un. La liste doit donc être composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.

Ainsi, en application de l’article L. 264 du code électoral, dans les communes de plus de 1000 habitants le pourcentage des femmes conseillères municipales s’établissait à 47,8% en 2016, contre 35% en 2008 et 21,7% en 1995. L’exigence de listes paritaires s’applique également aux élections des délégués, suppléants et adjoints des conseils municipaux[2]. Des dispositions analogues sont prévues pour les élections des conseillers communautaires chargés d’administrer les affaires de l’intercommunalité[3]. Il en résulte que, depuis 2014, les conseils communautaires sont composés à 34% de femmes.

S’agissant des conseils régionaux, les dispositions de l’article L. 346 du code électoral ont permis de rendre effectif le principe de parité. Alors que les conseils régionaux ne comptaient seulement que 27,5% de femmes en 1988, ce pourcentage est passé à 48% en 2010 et 47,9% en 2015. Ce progrès peut également être observé au niveau de la commission permanente des conseils régionaux[4]. A titre d’exemple, en 2017, la commission permanente d’Ile-de-France est composée de 32 femmes et de 35 hommes.

Scrutin binominal

Outre les scrutins de liste, le principe de parité s’impose de façon efficace dans le cadre du scrutin binominal, prévu à l’échelon départemental. Ce système prévoit en effet que « [l]es électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l’ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l’occasion de l’élection. »[5]. Le non-respect de cette exigence entraîne le rejet de la candidature du binôme[6]. Grâce à cette modalité de scrutin, la représentation des femmes dans les conseils départementaux est passée à 50% en 2015, alors qu’elle ne s’élevait qu’à 13,8% en 2011.

Pour significatives qu’elles soient, ces évolutions ne doivent toutefois pas occulter la mise en œuvre encore très insatisfaisante du principe de parité.

Les progrès à réaliser

Au niveau local

Il convient d’abord de souligner que si la parité progresse dans le cadre des scrutins de liste et du scrutin binominal, par le jeu de dispositions contraignantes, le respect de ce principe chute dramatiquement dès lors qu’il n’est pas imposé. Ainsi, aucune disposition ne garantit l’effectivité du principe de parité à la tête des différentes collectivités locales. Résultat : 84% des maires sont des hommes et 92,3% des conseils communautaires sont présidés par des hommes. Même constat pour 92 départements sur 101[7] et 15 régions françaises sur 18[8].

De la même façon, dans les communes de moins de 1000 habitants, qui ne sont pas soumises aux dispositions relatives à la parité, le pourcentage d’hommes dans les conseils municipaux atteint 65,1%[9].

Au niveau national

Le principe de parité peine également à s’imposer au Parlement, en raison d’un cadre normatif encore insuffisant.

Le Sénat fait figure de mauvais élève : en 2017, 100 femmes seulement ont été élues sénatrices, contre 95 précédemment. Leur présence au Sénat s’élève ainsi poussivement à 29%, contre 27% auparavant.[10]. Les règles du scrutin ne sont guère contraignantes : selon le nombre de sièges à pourvoir, les sénateurs et sénatrices sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours (circonscriptions désignant 1 ou 2 sénateurs ou sénatrices) ou au scrutin de liste à la représentation proportionnelle (circonscriptions désignant 3 sénateurs ou sénatrices ou plus). En cas de scrutin de liste, la loi impose une alternance de chaque sexe[11]. En revanche, en cas de scrutin majoritaire, l’article L. 299 du code électoral exige simplement que le candidat et son remplaçant soient de sexe différent. En pratique, les femmes ne se voient souvent attribuer que le statut de remplaçante.

L’Assemblée nationale n’est guère plus vertueuse. Bien que la loi prévoie des sanctions financières à destination des partis politiques qui ne respectent pas le principe de parité[12], ces derniers se montrent réticents à le mettre en œuvre. Ils optent souvent soit pour le paiement d’une amende peu dissuasive, soit pour une application subversive du principe, en investissant des femmes principalement dans des circonscriptions réputées acquises à un autre parti politique.

Il est vrai qu’en 2017, 224 femmes sont entrées l’Assemblée, ce qui représente 38,8% des élus, alors que les femmes ne représentaient que 26,86% des élus en 2012 et 18,54% en 2007. S’il faut y voir un progrès, il doit être tempéré, tant il est contingent d’un contexte politique particulier tenant à l’émergence d’une nouvelle formation politique. Le cadre législatif demeure, lui, inchangé et donc peu contraignant.

La mise en œuvre du principe de parité s’inscrit dans une dynamique encourageante. Sa pleine effectivité appelle toutefois encore des efforts, notamment d’ordre normatif. Par exemple, la représentativité passe également par la terminologie. A cet égard, si la récente circulaire du 21 novembre 2017 « relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française » proscrit l’usage de « l’écriture inclusive » dans les textes réglementaires et, plus généralement, dans les textes destinés à être publiés au Journal Officiel, le Premier ministre généralise néanmoins par ce même texte la féminisation systématique des intitulés de fonctions. De telles interventions – qui peuvent paraître anodines – contribuent à diffuser dans les esprits la réalité selon laquelle il existe non seulement des élus mais aussi des élues.

[1] http://archive.ipu.org/wmn-f/arc/classif010216.htm pour 2016 et http://archive.ipu.org/wmn-f/classif.htm pour 2017

[2] Article L. 289 du code électoral pour les élections des délégués et suppléants de conseils municipaux dans les communes de plus de 1000 habitants et article L. 2122-7-2 du Code général des collectivités territoriales pour les élections des adjointes dans les communes de plus de 1000 habitants.

[3] L. 273-9 du code électoral et L. 273-10 du code électoral

[4] L. 4133-5 du CGCT

[5] Article L. 191 du code électoral

[6] Article L. 210-1 du code électoral

[7] Statistiques du Haut conseil à l’égalité, pages 25 et 41

[8] Statistiques du Haut conseil à l’égalité, pages 36 et 45

[9] Synthèse chiffrée du Haut Conseil à l’égalité, page 5.

[10] Résultats des élections sénatoriales 2017

[11] L. 300 du code électoral

[12] Article 9-1 de la loi du 11 mars 1988, modifié par la loi du 4 août 2014


10 janvier 2018  | DGA | Publié aux Editions Législatives