Cour de cassation, Chambre commerciale, 1er juin 2023, n° 21-18.694, publié au bulletin (Site de la Cour de cassation)

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a effectué un revirement de sa jurisprudence fiscale en matière d’application du délai de distance pour les entreprises étrangères, tenues d’élire domicile en France pour élever une contestation relative à l’impôt (Com. 1er juin 2023, n° 21-18.694).

Une société allemande qui exerçait une activité en France par l’intermédiaire d’une succursale avait assigné l’administration fiscale pour un contentieux relatif au paiement de l’impôt. La Cour d’appel a déclaré l’acte irrecevable car il avait été délivré plus de deux mois après la notification de la décision de l’administration (art. R*199-1 du code des procédures fiscales), en estimant que le délai de distance ne s’appliquait pas à cette société « puisqu’elle exerce son activité en France, par l’intermédiaire d’une succursale domiciliée [en France], auteur de la réclamation rejetée par l’administration fiscale et de la contestation devant le tribunal ».

Le débat réouvert devant la Cour de cassation opposait donc l’article 643 du code de procédure civile qui instaure un délai de distance de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger et, l’article R*197-5 du livre des procédures fiscales qui dispose que la société étrangère qui veut présenter une réclamation fiscale à l’administration française est tenue d’élire domicile en France.

La Cour d’appel avait présenté une analyse factuelle de la situation en constatant que la société avait élu domicile en France, exerçait une activité en France et avait agi via sa succursale basée en France. Il n’y avait donc aucune raison d’appliquer le délai de distance.

La Cour de cassation adopte quant à elle une analyse purement textuelle. Elle rappelle que le délai de distance s’applique tant qu’il n’y est pas expressément dérogé (art. 645 du code de procédure civile) et constate que les textes fiscaux sont muets à ce sujet.

La chambre commerciale suit donc la position de la chambre civile et prendre le contrepied de ce qu’elle jugeait en matière fiscale en jugeant que « le délai d’assignation de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet d’une réclamation contentieuse est, en application des dispositions de l’article 643 du code de procédure civile, prorogé de deux mois si le contribuable est domicilié hors de France, bien qu’il ait, conformément aux dispositions de l’article R* 197-5 du livre des procédures fiscales, l’obligation de faire élection de domicile en France », et ce, même si la société exerce une activité en France et qu’elle a introduit la procédure via sa succursale française.

Guillaume Haudry

Avocat à la Cour