Dans l’attente de la décision Achméa…

Depuis l’affaire Nordsee, (C-102/81 et Eco Swiss, C-126/97) il est constant que le droit de l’UE ne s’oppose pas à l’arbitrage entre personnes privées ; mais il apparaît parfois difficile de concilier ce droit avec la protection des investissements par des traités bilatéraux d’investissement qui comportent une clause d’arbitrage.

Pourtant l’accession à la Charte européenne de l’énergie offre un système de protection parallèle aux institutions judiciaires des Etats membres et rien n’interdit aux Etats membres de conclure des traités bilatéraux de protection des investissements. Encore faut-il que ces accords soient efficaces dans l’ordre européen. Or, la distinction entre TBI intra-européens et extra-européens ne va pas sans susciter des difficultés que la Cour n’a pas encore clarifiées. En particulier, des doutes subsistent sur la compatibilité des traités d’investissements intra-européens avec le droit de l’Union et  la Cour de justice de l’UE s’estime incompétente pour connaître d’une question préjudicielle émanant d’un tribunal arbitral. La position hostile de la Commission est connue, illustrée dans le dossier Ioan Micula (2013).

Aussi la réponse de la Cour dans la procédure Achméa c/ République slovaque est attendue avec intérêt. L’affaire est née des changements législatifs intervenus dans le secteur de l’assurance santé slovaque qui ont affecté les intérêts d’un investisseur néerlandais auquel un tribunal arbitral a alloué 22 millions d’euros. La Slovaquie a demandé aux juridictions allemandes d’écarter la solution retenue par la sentence. Sur pourvoi, la Bundesgerichtshof, cour suprême fédérale allemande, a interrogé la Cour de justice sur la compatibilité des clauses d’arbitrages dans les traités d’investissement intra-européen avec le droit de l’Union.

Le renvoi préjudiciel porte sur plusieurs points : la discrimination fondée sur la nationalité, l’irrecevabilité de questions préjudicielles émanant d’un  tribunal arbitral, l’exclusivité de la compétence de la CJUE pour les différends mettant en cause un Etat membre dans l’interprétation et l’application du droit de l’UE.

Dans ses conclusions présentées le 19 septembre, l’avocat général Wathelet invite la Cour à juger qu’une clause d’arbitrage insérée dans un traité de protection des investissements entre deux Etats membres est compatible avec le droit de l’Union et qu’un tribunal arbitral n’échappe pas au mécanisme du renvoi préjudiciel prévu par les traités européens. Si la Cour suivait l’avocat général, elle ouvrirait un champ d’action nouveau à l’arbitrage, elle apporterait une garantie supplémentaire aux investisseurs européens en Europe et elle mettrait un terme aux errements de la Commission.


9 octobre 2017  |  Jean-Yves de Cara 

Dans l’attente de la décision Achméa…

Depuis l’affaire Nordsee, (C-102/81 et Eco Swiss, C-126/97) il est constant que le droit de l’UE ne s’oppose pas à l’arbitrage entre personnes privées ; mais il apparaît parfois difficile de concilier ce droit avec la protection des investissements par des traités bilatéraux d’investissement qui comportent une clause d’arbitrage.

Pourtant l’accession à la Charte européenne de l’énergie offre un système de protection parallèle aux institutions judiciaires des Etats membres et rien n’interdit aux Etats membres de conclure des traités bilatéraux de protection des investissements. Encore faut-il que ces accords soient efficaces dans l’ordre européen. Or, la distinction entre TBI intra-européens et extra-européens ne va pas sans susciter des difficultés que la Cour n’a pas encore clarifiées. En particulier, des doutes subsistent sur la compatibilité des traités d’investissements intra-européens avec le droit de l’Union et  la Cour de justice de l’UE s’estime incompétente pour connaître d’une question préjudicielle émanant d’un tribunal arbitral. La position hostile de la Commission est connue, illustrée dans le dossier Ioan Micula (2013).

Aussi la réponse de la Cour dans la procédure Achméa c/ République slovaque est attendue avec intérêt. L’affaire est née des changements législatifs intervenus dans le secteur de l’assurance santé slovaque qui ont affecté les intérêts d’un investisseur néerlandais auquel un tribunal arbitral a alloué 22 millions d’euros. La Slovaquie a demandé aux juridictions allemandes d’écarter la solution retenue par la sentence. Sur pourvoi, la Bundesgerichtshof, cour suprême fédérale allemande, a interrogé la Cour de justice sur la compatibilité des clauses d’arbitrages dans les traités d’investissement intra-européen avec le droit de l’Union.

Le renvoi préjudiciel porte sur plusieurs points : la discrimination fondée sur la nationalité, l’irrecevabilité de questions préjudicielles émanant d’un  tribunal arbitral, l’exclusivité de la compétence de la CJUE pour les différends mettant en cause un Etat membre dans l’interprétation et l’application du droit de l’UE.

Dans ses conclusions présentées le 19 septembre, l’avocat général Wathelet invite la Cour à juger qu’une clause d’arbitrage insérée dans un traité de protection des investissements entre deux Etats membres est compatible avec le droit de l’Union et qu’un tribunal arbitral n’échappe pas au mécanisme du renvoi préjudiciel prévu par les traités européens. Si la Cour suivait l’avocat général, elle ouvrirait un champ d’action nouveau à l’arbitrage, elle apporterait une garantie supplémentaire aux investisseurs européens en Europe et elle mettrait un terme aux errements de la Commission.


9 octobre 2017  |  Jean-Yves de Cara